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Pétition pour les juristes

20 mars 2013

170 universitaires juristes ont adressé un

170 universitaires juristes ont adressé un courrier aux sénateurs pour manifester leur opposition au projet de loi de mariage pour tous. Il est  rare de voir de telles autorités s’impliquer à titre personnel dans un débat de société. Si l’importance du sujet justifie cependant une telle démarche, qu’il nous soit aussi permis de faire valoir quelques objections aux arguments avancés, notamment quant à l’unanimité qu’elle laisse accroire à l’opinion publique.

 

En premier lieu, les signataires du courrier affirment que l’enfant serait privé de la possibilité d’établir sa filiation et ce faisant, rétroactivement, permettre l’identification d’une famille. Une telle conception limite évidemment la reconnaissance de la filiation à la seule biologie, ce qui ne correspond nullement à la réalité sociologique actuelle. En outre, la loi donne depuis longtemps l’importance nécessaire à la filiation sociale, voulue par les parents comme les enfants. Les auteurs du courrier le reconnaissent pleinement et peinent ainsi à justifier la possibilité de l’adoption. Ils ne concèdent son efficacité que parce que l’enfant pourrait symboliquement rattacher sa naissance à un homme et une femme.

 

Une telle précision démontre, à nouveau, la « biologisation » de la filiation et ne suffit pas à convaincre. Si l’adopté peut « symboliquement » établir une telle référence, pourquoi n’en serait-il pas de même de celui né d’un  père et d’une mère mais socialement reconnu comme l’enfant d’un couple homosexuel ? Contrairement au Parlement anglais qui ne peut changer un homme en une femme, le projet de loi n’a pas pour vocation de remettre en cause le processus procréatif bisexué, mais seulement les conséquences sociales de la naissance. Que les tenants de la biologie soient rassurés, deux gamètes différents resteront nécessaires à la procréation.

 

Il est ensuite allégué que la naissance de l’enfant serait conditionnée par le seul désir des parents, ce qui risquerait d’entraîner l’apparition d’un marché des enfants d’une part et le détachement de l’un des géniteurs d’autre part. Sur le premier point, il ne pourra qu’être remarqué que les pays ayant autorisé le mariage pour tous n’ont pas connu d’apparition d’un tel « marché ». La crainte légitime d’une telle déviance constitue davantage une chimère qu’une réalité.

 

Les auteurs du courrier reprochent de plus au projet de loi de permettre la conception d’un enfant détaché de son père et sa mère, mais uniquement pour la satisfaction d’un projet parental. Il sera simplement rappelé que de nombreux parents se désintéressent de leurs enfants. Entre les abandons d’enfants, les accouchements sous X et les enfants tolérés mais non désirés, il semble pour le moins aberrant de priver de tout projet parental certains couples sous prétexte des errements des autres. L’adage nous rappelle en effet que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes afin de paralyser la reconnaissance des droits des tiers.

 

Aucune des horreurs qui nous sont promises si ce projet de loi devenait réalité n’est évidente. Aucune n’est même probable, non plus que justifiée. Les femmes seraient ainsi réduites en esclavage et les enfants victimes d’une nouvelle traite. Quant aux personnes qui souffrent de l’absence de reconnaissance de leur réalité psychologique, sociale et familiale, leurs difficultés pourtant réelles ne constituent que des arguties. Il est certain que la souffrance des autres est toujours plus facile à tolérer que la sienne propre.

 

Il apparaît donc gênant d’observer que de si prestigieuses signatures sont utilisées afin de faire croire à la légitimité de menaces graves, mais irréelles. A tout le moins, la rigueur scientifique et la prudence universitaire auraient pu justifier une certaine retenue dans la formulation de l’enfer promis. Ecrire que « le mariage emporte nécessairement toutes ces conséquences » nous paraît hélas aussi démesuré qu’infondé.

 

Il n’appartient qu’à la Nation de définir les objectifs qu’elle se fixe. Le législateur demeure souverain et, si le rôle de l’Université consiste effectivement à éclairer ses choix, il ne saurait être dupé par l’expression d’opinions personnelles émises ex cathedra. Ni la solennité des moyens employés ni l’autorité des plumes requises ne modifient la substance du contenu : l’expression de l’opinion de citoyens.

 

Celle-ci demeure évidemment légitime, mais l’utilisation d’une autorité universitaire incontestée pour la diffusion d’opinions contestables semble déplacée. En tout état de cause, nous demandons donc à Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, de bien vouloir considérer avec la plus haute importance le courrier de nos collègues qui leur est destiné.

 

Leur appréciation doit naturellement être respectée au sein du débat public. La voix des signataires ne saurait cependant représenter davantage que ce qu’elle est, à savoir celle de citoyens exprimant leur avis. Le nombre de signataires très faible, ainsi que l’absence de tout spécialiste de la sociologie ou des sciences politiques, démontre de même la simple portée politique de ce courrier plutôt que la mise en œuvre d’une réelle expertise juridique. A ce titre, nous prenons la liberté de montrer que cette voix ne peut posséder d’autre légitimité, et notamment pas davantage que celle de tous les citoyens favorables au projet de loi dont vous avez la charge, aujourd’hui, de l’examen. Comme des millions de français, nous espérons par conséquent apporter, nous aussi, modestement, notre voix au débat.

 

C’est entre vos mains qu’il est possible de rappeler que le mariage est une institution laïque et que seul le législateur est compétent pour en définir les contours et les conséquences. Ce sont vos votes qui détermineront, enfin, qu’il n’existe pas un unique modèle social ou une définition exclusive de la famille qui serait composée d’un père et d’une mère. Tous ont droit au même respect et le recours aux techniques de procréation médicalement assistées est aussi pertinent pour les couples hétérosexuels que les autres. La réduction de l’homme à la biologie ne saurait, systématiquement, être utilisée en défaveur des minorités.

 

L’honneur de notre démocratie réside en effet, exactement dans la protection de tous et notre possibilité de dépasser une prétendue condition naturelle. Les principes même de solidarité et d’égalité sur lesquels est fondé notre régime politique l’imposent. L’opportunité vous est donnée de le prouver à nouveau.

 

 

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